Ξ Sujet: Le poney ronchon [PV Maximilien] Lun 22 Nov - 7:52
Tout avait commencé par des gloussements. Des gloussements que Mina n’aurait pas hésité à qualifier de suspects, voire de « carrément horripilants », si on lui avait demandé son avis. La jeune femme, les cheveux en bataille et l’œil un peu fou, était penchée sur un épais dossier à la couverture rouge, une couleur qui, en code administratif, signifiait « urgentissime, à rendre pour « cherche pas, t’es déjà en retard ». ». La légende racontait qu’il existait, quelque part dans les tréfonds du Ministère, des dossiers « beuglantes », lesquels braillaient à qui mieux-mieux tant qu’ils n’étaient pas intégralement traités, mais Wilhelmina refusait de croire que leur employeur pût être si cruel. Il n’en restait pas moins que, si son dossier à elle ne vociférait pas encore, Aurora, son abominable N+1 supérieure, ne s’en priverait pas, elle, quand elle s’apercevrait que Mina n’avait pas bouclé son compte-rendu à la fin de la journée.
Jusqu’à présent, la rouquine avait avancé, laborieusement, certes, mais avec une opiniâtreté louable, sur l’épineux bilan d’expérience (« Les distorsions de l’espace-temps dans le multivers : phénomène magique ou loi de la physique ? ») qu’on lui avait confié ( « Pas de pression, Kilgarvan, mais l’avenir des subventions du projet dépend entièrement de ton travail. Allez, je repasse vous voir avant seize heures. »). Depuis quelques minutes, toutefois, sa concentration avait été mise à mal par les ricanements, entrecoupés de chuchotements précipités, de ses deux collègues. La jeune femme avait été, à plusieurs reprises, tentée de leur demander de se taire ou, si vraiment leur conversation ne pouvait attendre, d’aller la poursuivre dans le couloir, sans parvenir à s'y résoudre : la perspective du conflit susceptible d'exploser, si elle exposait clairement ses griefs, la jetait dans une telle angoisse qu’elle avait, finalement, préféré rester muette et souffrir en silence (* Si ça se trouve, elles ont un problème vital à régler. Elles pourraient me haïr à jamais, si je les interromps, décider de se venger, s’allier pour saboter tous mes dossiers, me faire renvoyer, me traîner en justice pour faute professionnelle, on me prendra ma baguette, on la brisera pour me punir et je finirai mes jours seule, alcoolique et droguée sous les ponts de Londres.*).
Pourtant, malgré son mutisme, Wilhelmina ne pouvait s’empêcher de se sentir irritée : d’une part parce qu’elle trouvait très impoli de la part d’Amanda (« Mais tout le monde m’appelle Mandy ! ») et de Cassandra (« Cassy, pour les intimes. ») , de l’exclure ainsi si ouvertement de la discussion, alors que leurs rapports étaient, d’ordinaire, cordiaux (les trois jeunes employées s’entendaient même à ravir, quand il s’agissait de se plaindre de leur irascible supérieure), d’autre part parce qu’elle avait la nette impression que c’était d’elle, qu’on était en train de parler, aussi tendait-elle l’oreille, dans l’espoir de saisir des bribes de la conversation. *chuchotis-chuchotas* : - Non mais il faut lui dire, maintenant. - T’es sûre ? Tu ne veux pas attendre ? - Elle ne risque pas d’être en colère ? - Wilhelmina ? En colère ? Dans quelle dimension ? *gloussement, pouffement, abominable petit rire étouffé*
A ce stade, Mina, qui s’était penchée avec une avidité grandissante sur sa chaise à roulettes, sentit qu’elle perdait l’équilibre. Dans un sursaut de panique, elle s’agrippa à son bureau. Hélas ! Le siège, emporté par son élan, continua de glisser dans un « couicouicoui » pathétique et alla heurter le mur du fond tandis que la rouquine s’effondrait lourdement sur le sol, entraînant, dans sa chute, la grosse boîte de biscuits qu’elle gardait toujours à portée de main (« Le shortbread, mon seul ami véritable sur cette terre. Et moi, mes amis, je les mange.»). Sous la violence du choc, le couvercle métallique fut propulsé au loin et les sablés se répandirent aux quatre coins de la pièce vision insoutenable. Humiliée, rouge de confusion et couverte de miettes de biscuits un peu grasses, la Serdaigle ferma les yeux, priant pour que, contre toute logique, sa chute fût passée inaperçue. Mais même les ricanements de Cassandra et d’Amanda n’était pas assez forts pour couvrir le vacarme qu’elle venait de provoquer : quelques secondes plus tard, les deux jeunes femmes accouraient à sa rescousse.
- ça va, ça va… Marmonna Wilhelmina, plus mortifiée que jamais, en repoussant la main charitable que lui tendait Cassandra. Elle se releva tant bien que mal, et s’efforça de retrouver une contenance. Elle chassa d’un geste agacé les miettes accrochées à sa robe et, d’un mouvement souple de baguette, ramena les shortbreads éparpillés et couverts de poussière dans la boîte maîtrise des sortilèges informulés : + 3 points de puissance. Ce n’est qu’après en avoir sèchement refermé le couvercle avant de la remettre en place sur son bureau, qu’elle osa enfin lever les yeux vers ses collègues. Sans doute l’expression de commisération qu’elle lut sur leur visage eût-elle raison de ses nerfs, car elle se surprit à ajouter, elle, l’indécrottable froussarde pacificatrice, d’un ton franchement accusateur : - Mais c’est un peu de votre faute, aussi : à force de glousser comme deux grosses poules effrontées, vous m’avez carrément déconcentrée ! Qu’est-ce qu’il y a de si désopilant, à la fin ? Amanda et Cassandra avaient échangé un regard coupable. Puis, Amanda, l’air affreusement gênée, s’était lancée : - Ecoute, Mina, il faut qu’on te dise quelque chose…
Et c’est ainsi que la jeune femme avait découvert que ces deux traîtresses avait trouvé parfaitement hilarant de rédiger en son nom une lettre enflammée à l’abominable Maximilien Bowman (un sinistre individu que la calvitie menaçait, telle une terrible épée de Damoclès suspendue au-dessus de son crâne chevelu), dans le cadre d’un concours organisé par la section sport de la Gazette du sorcier. Un de ces concours imbéciles dans lequel le vainqueur gagnait le droit de passer une après-midi en compagnie de son sportif favori, avant de s’en retourner chez lui avec son autographe et, s’il était vraiment chanceux, une paire de ses vieilles chaussettes dans leur jus. Evidemment, l’après-midi de rêve faisait ensuite l’objet d’un reportage en long, en large et en travers dans les colonnes « sport et potins » du journal. Mina imaginait que c’était un bon moyen, pour les joueurs, de se faire mousser sur le dos d’un pauvre type. Quelque chose comme « Je suis une célébrité, mais j’ai su rester simple et proche de la populace : voyez comme je serre sans dégoût leurs mains de vulgaires roturiers. »). Le tout documenté par des photographies sur lesquelles on pouvait voir la star taper dans le dos d’un quinquagénaire rougeaud et bedonnant qui vivait, apparemment, le plus beau jour de sa vie. Gênant.
Or, voilà que Wilhelmina qui, depuis la sombre histoire de l’ascenseur coincé, clamait haut et fort tout le mépris que lui inspirait « Max… comment, déjà ? Je te jure, un type aussi irritant, je ne vois pas pourquoi je m’embêterais à retenir son nom… Je t’ai déjà dit ce qu’il a osé insinuer sur ma santé mentale ? », venait de remporter un thé en sa compagnie. Comme si supporter sa présence au Dojo Symphonie toutes les semaines n’était pas suffisant. Cassandra et Amanda le savaient bien, pourtant, qu’elle ne supportait pas de le savoir dans la même pièce qu’elle : combien de fois ne s’était-elle pas plainte qu’il l’empêchait de se concentrer sur les entraînements (« Je suis sûre qu’il me lance des sorts pour que je me prenne les pieds dans le tapis ou que j’oublie les enchaînements ! Oui, je sais que je peux très bien me saborder toute seule, merci beaucoup, mais pas à ce point, quand même ! Je te dis que sa présence me trouble. Non, pas dans ce sens là, non. Et efface moi ce petit sourire en coin tout de suite !). Elle qui se vantait d’avoir réussi l’exploit de ne pas lui parler du tout depuis que le Dojo avait ouvert ses portes à tous, avait gagné un tête-à-tête avec lui. Charmant, vraiment. - Mais… Pourquoi vous avez fait ça ? Avait-elle demandé, d’une voix chevrotante, aux deux complices. Elles avaient paru hésiter un instant puis, très gentiment, comme une institutrice extrêmement patiente qui s’efforcerait de faire entrer une évidence dans la tête d’un enfant un peu borné, Cassandra avait répondu : - Oh, allez, Mina… Tu le sais, au fond, que tu l’aimes bien, non ? Wilhelmina en était restée muette de stupéfaction : vraiment, ses collègues n’avaient rien compris. En tout cas, ce n’était certainement pas parce que Maximilien était devenu son sujet de conversation principal qu’elle l’aimait bien.
Evidemment, elle eût pu tout annuler. Contacter la Gazette, expliquer la méprise, lever le malentendu, et ainsi se libérer du poids du rendez-vous. Il eût été facile, aux journalistes, de contacter l’auteur de la lettre arrivée en deuxième position pour lui remettre le prix, et tout le monde aurait été content. Seulement, Mina ne s’y était pas résignée. D’abord, elle avait eu peur de déranger. Ensuite, elle avait craint de se couvrir de ridicule, en exposant la situation. Enfin, le « Tea Time avec le joueur de votre cœur ! » était fixé au samedi suivant : il était probablement trop tard. Maximilien avait déjà dû être averti que c’était lui, la star qu’on voulait pour le thé : sans doute serait-il très déçu, si on lui annonçait qu’il y avait, finalement, erreur sur la personne (le pauvre, il ne devait pas avoir l’habitude d’être sélectionné pour quoi que ce fût, vu son attitude désagréable et son alopécie son absence totale de tact).
Alors non, Wilhelmina n’avait pas annulé la rencontre. En ce milieu d’après-midi, elle se trouvait – à son corps défendant - installée à la table du pub « le poney ronchon », d’où elle se répétait, encore et encore, le petit discours qu’elle comptait tenir à Maximilien, et qu’elle avait élaboré au cours des derniers jours : « Ecoute, Machin Maximilien, autant que je te le dise tout de suite, je ne suis pas ta fan numéro 1. En fait, je ne suis même pas les matchs de ton équipe. Mes collègues de bureau ont juste trouvé très amusant de participer au concours en se faisant passer pour moi. Je préférais te le dire moi-même. » Ferme, honnête et définitif. Tout ce qu’elle était rarement, en somme. D’un doigt nerveux, Mina tortillait une mèche de cheveux roux. Une partie de son cerveau s’inquiétait de savoir si son antitranspirant tiendrait le coup assez longtemps pour lui éviter d’avoir les dessous de bras humides et odorants. Une autre se demandait si c’était une bonne idée, les talons. Une troisième lui conseillait de vérifier son haleine, juste au cas où. Au milieu de toutes ces voix, la Serdaigle sentait sa belle assurance fondre comme neige au soleil. Elle essuya machinalement ses mains, un peu moites, sur une serviette en papier, tout en surveillant la porte du coin de l’œil. C’était bien un truc de star imbue de sa personne, ça, de ne pas arriver en avance à un rendez-vous !
* Do what I do. Hold tight and pretend it’s a plan ! *
Maximilien Bowman
Parchemins : 629Âge : 23 ans {26/08/1992} Actuellement : Poursuiveur dans le Club de Flaquemare Points : 0
Ξ Sujet: Re: Le poney ronchon [PV Maximilien] Lun 29 Nov - 19:20
♛ Le poney ronchon
Run for cover. Run while you can, baby, don't look back. You gotta run for cover. Don't be afraid of the fear, that's a played out trap, man. You know you're not the only one. And don't look back, just run for cover.
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Le poney ronchon Maximilien se dirigeait avec appréhension vers ce qu'il avait décidé de qualifier de "terrible traquenard" - ou de manière un peu plus verbeuse, son thé avec une "fan". Une obligation à laquelle il avait vainement tenté de se soustraire, en prétextant que ça n'était pas son truc. Ce à quoi il s'était vu répondre qu'avec les résultats récents de Flaquemare, ils étaient preneurs de la moindre publicité positive, et qu'il était donc prié de se rendre à son rendez-vous sans faire de manières, et de se montrer charmant, merci bien. Mais était-ce vraiment de sa faute s'il n'éprouvait aucun enthousiasme à la perspective de passer deux heures en compagnie d'un énergumène forcément trop intense, le tout dirigé envers sa personne, avec la crainte de devoir signer photos, magazines et - horreur - sous-vêtements (neufs, du moins pouvait-on l'espérer) ? Certes, Maximilien était quelque peu vain - il le reconnaissait volontiers - et il aimait l'attention, mais le tête-à-tête avec une fan probablement vaguement (voire totalement) dérangée ? C'était trop. D'autant plus que La Gazette lui avait fait part du caractère profondément élogieux de la lettre transmise par la fan en question - le genre excessif, semblait-il, ce qui lui faisait se demander s'il n'aurait pas mieux fait d'amener sa petite-soeur avec lui, pour assurer sa protection. Chose qu'il aurait pu envisager, si ça n'avait pas paru affreusement humiliant et si ça n'avait pas été la promesse de moqueries éternelles de la part d'Alexandra.
Le nom de la fan en question ne faisait rien pour apaiser ses inquiétudes. Quand il l'avait demandé au journal, on lui avait aimablement indiqué que c'était un nom de "petite vieille", Willabelle Kilbury ou "quelque chose comme ça" (n'en dites pas plus Monsieur Preston de la rubrique sport : il ne faudrait pas que cette tâche soit trop aisée). Il s'attendait donc à se retrouver à prendre le thé en compagnie d'une petite mamie aux yeux de merlan frit, à laquelle il n'aurait certainement pas le cœur de dire qu'il avait fort à faire et qu'il ne pourrait pas s'attarder. L'inverse serait cruel et il avait peur qu'elle lui jette son dentier à la figure.
Arrivé dans la rue du Poney Ronchon, Maximilien s'immobilisa. Sa tenue était impeccable, puisque la rencontre devrait être photographiée - il visualisait déjà la scène : Willabelle, le déambulateur et lui. Il supposait qu'il devait être flatté (dans le fond, il l'était). Malgré une saison des plus mitigées pour le club de Flaquemare, il avait su tirer son épingle du jeu, au point d'être le sportif choisi pour ce que La Gazette avait qualifié d'un "honneur, si, si, monsieur Bowman. Willabelle est aux anges, figurez-vous !" Prenant une franche inspiration, il poussa la porte du pub, et chercha la vieille dame des yeux. Quelle ne fut donc pas sa surprise de s'arrêter à la place sur la chevelure - et le visage associé - familiers de Wilhelmina. Il se figea à l'entrée du Poney Ronchon, pris de court, avec l'impression que son cerveau rencontrait une sérieuse anomalie de fonctionnement - à la façon des ordinateurs d'antan un bug comme on dit. Toutes ses stratégies destinées à être appliquées lors de son prochain vrai échange avec la rousse se bousculèrent d'un coup dans sa tête, lui qui avait pourtant pris l'habitude de la croiser toutes les semaines aux cours d'arts martiaux délivrés par Myrielle Symphonie (où elle se faisait un plaisir de l'ignorer, semblait-il). Or, là, il ne s'agissait pas d'une rencontre prévue mais d'une attaque surprise. Il n'était pas prêt ! Machinalement, il avança vers l'ancienne Serdaigle, sa bouche décidant - malheureusement - de s'exprimer sans son autorisation : « Wilmo ! Pardon, Wilhelmina ! » lâcha-t-il précipitamment. Aboooort the mission, le plan A s'était exécuté sans avoir été volontairement sollicité, et il sentit ses joues s'empourprer, espérant de tout son cœur qu'elle ne l'avait pas vraiment entendu. « Mais qu'est-ce que tu fais là ? » Encore pire. Non seulement venait-il de l'affubler d'un sobriquet digne d'un clown moldu, mais en plus, il lui reprochait sa présence au Poney Ronchon. Il était à peu près certain que cette interaction allait rentrer dans le top cinq de ses pires prestations. Il se gratta nerveusement la tête pour attirer l'attention sur ses cheveux : t'as vu comme ils sont brillants Winnie ?, décidant de noyer le poisson en continuant à parler - il jugeait que ça aurait des chances de lui faire oublier ses égarements initiaux.
Devait-il lui donner les raisons de sa présence ? C'était la honte, non ? Ou bien... Etait-ce impressionnant ? "Oh, moi, pourquoi je suis là ? Mais j'ai rendez-vous avec une fan, figure-toi - je ne dirais pas qu'elle m’idolâtre... Mais si tu voyais la lettre enflammée qu'elle m'a écrite..." Sauf qu'il devrait ensuite lui présenter Willabelle et son arthrite avancée, et il n'était pas sûr que ça joue en sa faveur. Il se racla la gorge d'un air mal à l'aise. « Pardon je ne voulais pas le formuler comme ça, je suis juste surpris parce que je ne savais pas que ce pub était connu... C'est la première fois que j'y viens. J'ai un hm, rendez-vous. Tu... » Toussotement. « N'aurais pas vu quelqu'un de la Gazette, à tout hasard ? » choisit-il de formuler de manière évasive, tournant prestement la tête vers l'entrée du pub en entendant la porte s'ouvrir. Un quinquagénaire à l'air affairé venait de pénétrer dans le pub, une sacoche en main. Il ne ressemblait décidément ni à l'image qu'il se faisait de Willabelle, ni au photographe de la Gazette. Ramenant les yeux sur Wilhelmina - qui, il le remarquait à présent, semblait ravie de se trouver là tu respires la joie de vivre Winnie -, il reprit : « Tu ne... bois rien ? » Ou l'art d'enfoncer des portes ouvertes. Pour ceux qui suivraient son score à la maison : il partait avec un handicap de moins huit mille, au bout de cinq minutes seulement d'interaction. Si la perspective d'abandonner Willabelle à son sort ne lui avait pas semblé profondément malpolie - un peu comme donner un coup de pied à un chiot, globalement - il serait parti sans demander son reste.
CODAGE PAR AMATIS
maximilien; — But I have no voice if I don't speak my mind. My weakness is the source of all my pride. ;;